L’architecte Paul Tournon (1881-1964)

Il faut saluer les auteurs et l’éditeur tout d’abord pour leur effort, dans le difficile contexte actuel de l’édition sur l’architecture ; et ensuite pour l’attention qu’ils accordent à Paul Tournon, un architecte qui a marqué son époque, sans pour autant appartenir aux personnalités que la chronique met de son vivant au premier plan.

Encore que, et c’est à ce titre que je l’ai situé pour la première fois, ses initiatives dans l’emploi monumental du béton armé aient fait date.

Aujourd’hui, avec le regard et la distance de l’historien, je pense que Paul Tournon peut être distingué pour deux raisons principales : pour ses intérêts pour la construction, et pour son indépendance.

Paul Tournon porte un regard très positif sur l’actualité technique, sur la construction en béton armé, sur les composants industriels ; et ce faisant, par un enchaînement logique, il ne peut être, à la différence d’Umbdenstock, un propagandiste du pastiche en architecture. D’où le parti du projet pour le Palais de I’OTUA, très cohérent avec les possibilités de la construction en acier. D’où la réussite considérable de l’église du Sacré-coeur de Casablanca, dont la mise en peinture même, attentive aux ressources locales (le blanc de chaux), permet au monument de garder aujourd’hui encore sa fraîcheur.

Ensuite son indépendance. Utiliser le béton armé dans des constructions monumentales, entre les deux guerres, sans suivre les formules de Perret, représente une conviction forte, et peu banale à ce moment. Et cette indépendance retentit sur les choix techniques, ce qui donne à Paul Tournon une autonomie remarquable, qui l’identifie, dans ses immeubles d’habitation, aux solutions contemporaines les plus avancées. Au point de mettre en question son appartenance à un courant traditionaliste.

Gerard MONNIER