Éloge de Rogatien de Cidrac, architecte en chef des bâtiments civils et palais nationaux
Par Jean-Michel LAMAISON (1991)
Dérogeant aux traditions d’une famille d’ingénieurs (ses 3 frères feront SUPELEC), Rogatien de CIDRAC entre aux Beaux-Arts où il fait des études brillantes.
Reçu major à l’admission, il collectionne les médailles, les prix et
termine par une mention bien à son diplôme de fin d’études.
En 1939, après une expérience professionnelle de 7 ans au Moyen Orient (Liban, Egypte, Syrie), il est rappelé sous les drapeaux avant de s’engager dans les Forces Françaises libres sous le nom de Robert BEAUROIR. Il est fait Officier de la Légion d’Honneur et reçoit la Croix de Guerre avec Palme ainsi que la Légion of Merit.
A 35 ans, il s’installe en France avec son épouse Simone qui saura l’aider et l’appuyer tout au long de sa vie professionnelle.
Il est nommé Architecte en Chef au Ministère de la reconstruction et de l’Urbanisme, Architecte de la Marine marchande et enfin Architecte ordinaire des bâtiments civils et Palais Nationaux en 1947.
En tant qu’Architecte libéral il construit la gare mixte de Mâcon avec PALAZZI, de nombreuses centrales électriques en France et en Afrique, des groupes scolaires, lycées et C.E.S.
Architecte en chef en 1951, il succèdera en 1958 à son Confrère WANERY et en tant qu’Architecte en Chef et Conservateur du Domaine National de Fontainebleau.
La rénovation de ce palais sera la grande oeuvre de sa vie, bénéficiant de moyens importants grâce à André MALRAUX qui avait su mobiliser les crédits nécessaires.
Sur le plan libéral, de nouvelles opérations viennent marquer sa carrière : l’entrée du tunnel sous le Mont-Blanc, la centrale souterraine de Roselend pour EDF et en Guinée la centrale hydroélectrique des grandes chutes à Conakry.
A Fontainebleau, il signe avec de LA TOUR D’AUVERGNE, l’institut Européen des Affaires, I’INSEAD.
A 67 ans Rogatien de CIDRAC se retire de la vie active pour se consacrer à l’étude du passé, il relit St Simon, suit des cours au Collège de France et se passionne pour la peinture classique.
Davantage cérébral qu’intellectuel, adorant les jeux de l’esprit, homme de culture très attaché au classicisme français, il lit énormément et possède une grande mémoire.
Homme de l’oeil plus que de l’oreille, passionné d’architecture, de peinture et de littérature, il est modérément intéressé par la musique.
Doté d’une élégance aristocratique naturelle, armé de solides principes moraux, il n’est pas homme de compromis, ni connu pour ses vertus diplomatiques. La reconnaissance de sa droiture et de sa grande compétence professionnelle par ses confrères, ne saurait faire oublier quelques solides inimitiés dues à un tempérament parfois trop franc.
Le regret de sa vie sera de n’avoir pu réaliser avec son ami Guillaume GILLET l’extension de MONACO sur la Mer (à l’emplacement de l’actuel Stade Louis Il).
L’Architecte de Notre Dame de Royan est finalement le lien qui me rapproche de mon prédécesseur à l’Académie, puisque si Guillaume Gillet fut l’ami de Rogatien de CIDRAC, il fut aussi mon professeur et il m’est agréable de terminer cet éloge en les associant tous les deux dans notre souvenir.
Jean-Michel LAMAISON