Éloge de Roland SIMOUNET
Par paul Chemetov 1996
1927, le 31 août. Roland Simounet naît en Algérie issu de la lignée fondée par son trisaïeul, qui s’installa à Alger en 1830 et acquit un grand domaine, pour y cultiver des plantes médicinales.
« Partant de ce lieu un peu magique, nous allions, toujours à pied -la marche était une discipline- à l’école, au village ou à la plage” écrivait Roland Simounet. Les souvenirs s’inscrivent à jamais dans son œuvre comme une sauvegarde de ce qui lui était essentiel, privé dès 18 ans d’un domaine vendu, exproprié de l’Algérie de son enfance, puis de son pays, par l’O.A.S. qui le condamne à mort parce qu’il est signataire d’un appel à la trêve civile et le force à l’exil.
En écho à ces événements, il faut savoir regarder les projets de Roland Simounet en Algérie, à Tananarive, en France dans leur désir extrême de retour à l’essentiel, d’archaïsme au sens natif de ce terme, au sens que lui donnait Picasso dans une œuvre que Roland Simounet retrouva et magnifia dans un projet manifeste.
Roland Simounet, virtuose du dessin, aurait fait un prix de Rome très convenable, mais rapidement, l’ambiance Beaux Arts l’exaspère. Il quitte l’école en 1952 sans diplôme. Il a 26 ans, il veut, il va construire. 50 chantiers au moins en dix ans.
1961. C’est un architecte accompli Alors qu’il n’a jamais travaillé dans l’atelier de la rue de Sèvres, il reste celui qui a compris la leçon que Corbu n’a pas réussi à imposer en Algérie. Roland Simounet s’en explique.
« La leçon d’espoir était là et interdisait de détruire le milieu sans discernement, sans une longue réflexion. Ainsi cette formule à laquelle je crois toujours : “Ne rien détruire avant d’être sûr de proposer mieux”
On connaît mieux son parcours français, il fut, aux côtés de l’atelier de Montrouge ou de I’A.U.A. de Bagnolet, de ceux qui passèrent le témoin de la culture architecturale dans les années productivistes : logements populaires, école d’architecture à Grenoble, école de danse à Marseille, projet pour l’aménagement du carrefour Pleyel, les maisons corses enfin. Mais je voudrais insister sur ses trois musées et surtout le musée Picasso. En neuf ans de 76 à 85, trois chefs d’œuvre au milieu de dix autres chantiers. Roland Simounet dessinait tout, veillait sur tout, décidait de tout. II s’est ruiné financièrement et physiquement sur le chantier Picasso qui fut inauguré alors qu’il gisait épuisé, sur un lit d’hôpital pour avoir en moins de deux ans achevé son œuvre.
Mais la leçon du musée Picasso est également autre. Que de musées avons- nous vus dans lesquels le travail de l’architecte matraquait les œuvres qu’il devait exposer ? Musées d’architecture à eux-mêmes voués et suffisants. On peut admirer les vitrines de Roland Simounet à l’image de ces bricolages de bois pauvre que les artistes installent pour ranger leurs toiles, poser des objets familiers, construire les tables de leur artisanat obstiné.
Vous m’avez demandé de dire le souvenir que j’avais de lui. Roland Simounet était peut être un mauvais académicien, mais il est au Panthéon des architectes et l’Académie qui l’accueillit devait l’honorer et s’honorer par cela même.
Paul CHEMETOV